Le Presbytère

En vue de la restauration du presbytère, une recherche sur l’histoire de ce bâtiment s’imposait. De quand date-t-il, de 1868 comme semble indiquer la date gravée sur le linteau du portail ?

Les sources écrites que sont les cahiers des délibérations du conseil municipal à partir de 1863 et le registre de la fabrique d’église de 1858 à 1906, nous réservent quelques surprises et nous permettent de tracer la genèse de ce beau bâtiment préservé dans son état d’origine.

Un second article expliquera le fonctionnement de la fabrique d’église qui gérait au 19e siècle les biens et revenus de la paroisse en étroite collaboration avec la commune.

 

Le premier presbytère

Le conseil de fabrique se réunit depuis régulièrement dans une des salles du presbytère, dit « la cure ». Comme le montre l’ancien cadastre de 1856, ce bâtiment en pierre se trouvait à l’emplacement de la cure actuelle, mais nous ne connaissons pas l’année de sa construction.

Ancien cadastre de 1856
Ancien cadastre de 1856

Des réparations de cette première cure sont mentionnées dans les comptes de la fabrique en 1859 pour 300 Francs et en 1860 pour 227 Francs. Mais il faut attendre la venue d’un nouveau curé, M. Chandy, en 1864 afin qu’une rénovation intérieure importante soit effectuée. Celle-ci est décidée par le conseil de la fabrique en avril 1864 : « Vu le mauvais état où se trouve le presbytère, il était urgent d’y faire quelques réparations. » Après une visite sur place, les fabriciens dont font parti d’office le maire et le curé, décident :

« 1° de refaire le foyer et le dallage de la cuisine.

2° de réparer le dallage de l’entrée de la cure et la première marche de l’escalier.

3° d’ouvrir une croisée pour éclairer le corridor au premier.

4° d’établir au fond de ce corridor un charnier.

5° de faire une cheminée dans la grande salle.

6° de réparer la chambre à droite de l’escalier pour M. le curé, avec alcôve, plafond,      plancher et tapisserie et cheminée en marbre ainsi que celle de la salle. Le conseil charge M. le curé de diriger ces divers travaux… »

Il s’agit donc d’un bâtiment sur deux niveaux qui a pu être construit au début du 19e siècle, quand vers 1806 une « succursale » est installée sur la Montagne de Saint Just en Bas (voir Bulletin Municipal n°1, page 13). Les besoins de restauration quelques 35 ans plus tard se comprennent ainsi aisément.

Les travaux sont réalisés en 1864 pour une dépense totale de 1 085 Francs dont la commune prendra à sa charge la moitié, 540 Francs. La journée d’un ouvrier apparaît avec 1,50 Franc dans les comptes de la fabrique qui détaillent toutes les dépenses de cette restauration. Ils nous apprennent également qu’une croix fut érigée sur la place de l’église pour 90 Francs. Il s’agit de la croix en pierre de Volvic toujours présente sur la place.

Croix de 1864
Croix de 1864

Le mur avec le portail d’entrée dans la cour du presbytère portant sur son linteau la date de 1868 fut probablement érigé à la suite de ces aménagements. Cette rénovation de l’intérieur de la cure sous la responsabilité du curé, M. Chandy,  ouvrait une époque  de travaux importants à Jeansagnière : la reconstruction de l’église portée par le curé et la fabrique, la reconstruction de la maison d’école par la commune et l’agrandissement du cimetière. Rien d’étonnant que les caisses de la fabrique étaient vides quand une vingtaine d’années plus tard, vers 1890, le presbytère se trouvait dans un tel état de délabrement, menaçant « ruine  prochaine » qu’à l’arrivée d’un nouveau curé en 1891, la commune se vit obligée de lui louer un logement ailleurs, l’archevêché de Lyon lui ayant déconseillé de loger dans la cure. La tradition orale désigne une maison située près du cimetière qui à brûlé au début du 20e siècle comme étant ce « presbytère provisoire » entre 1891 et 1895.

Maison près du cimetière
Maison près du cimetière

C’est là que se réunit le conseil de la fabrique, le 24 avril 1892, pour faire appel à la commune : « Après avoir constaté l’urgence de la reconstruction du presbytère et le vide de la caisse de la fabrique, le conseil a pris une délibération par laquelle il s’adresse au conseil municipal pour obtenir son concours dans la reconstruction du dit monument. »

 

Le presbytère actuel

Le conseil municipal sous la présidence du maire Alexandre Favard avait déjà pris l’affaire en main depuis novembre 1891. La commune doit payer un loyer et la situation pose problème. « Le nouveau curé est logé dans la maison d’un propriétaire et non logé convenablement pour un curé. » Malgré des caisses vides, la commune réussit d’une manière exemplaire et sans aucune aide extérieure à réaliser sans tarder une construction qui nous étonne encore aujourd’hui, 115 ans plus tard.

Le conseil municipal du 15 novembre 1891 décide de mettre en route le projet en assurant d’abord des rentrées fiscales qui permettront de faire face à une dépense qui est d’abord estimée à 6000 Francs. Une demande est adressée au préfet d’augmenter les quatre contributions directes pour 1892 « du plus haut qu’il se pourra « .

Du constat d’urgence de réparation de l’ancien presbytère, on passe très vite à la nécessité d’une « reconstruction du nouveau presbytère« . M. Dulac, architecte à Montbrison, dresse le plan (17.3.1892) et établit le devis. Ceux-ci  sont approuvés en avril et mai 1892 par le conseil : « Le projet de l’architecte est conforme au programme imposé et aux conditions particulières du lieu. » L’ancienne cure sera démolie, la nouvelle érigée au même endroit avec les matériaux de démolition. Ces pierres représentent une valeur de 2000 Francs, apport de la commune à l’entrepreneur qui sera déduit du montant total estimé à 11 970 Francs. En conséquence, la commune contracte un emprunt de 10 000 Francs sur 10 ans au taux de 4% à la Caisse des dépôts et consignations. Le 4 octobre 1892, le préfet approuve le projet. Son exécution est menée rondement par une entreprise qui fait travailler les différents corps de métier. Nous avons quelques indications sur le déroulement des travaux. 1893 est l’année de l’achèvement du gros œuvre. En juillet (15.7.1893), le conseil choisit les tuiles de couverture : « La construction du presbytère touchant à sa fin, il faut dès à présent se procurer les tuiles de couverture. » Le maire « présente au conseil un échantillon des tuiles de Perrusson à la 9° écluse, commune d’Ecuisses (Saône et Loire). Ces tuiles présentent d’après renseignements pris des avantages incontestables au point de vue de la résistance à la gelée. » Le choix de ces tuiles illustre le souci permanent de qualité.

Tuile de Perrusson
Tuile de Perrusson

Ainsi le conseil n’hésite pas à décider des améliorations en cours de route. L’exemple le plus parlant est la décision du conseil du 3 novembre 1893 de voûter la cave. Nous admirons encore aujourd’hui ce plafond voûté en briques.

Plafond voûté de la cave
Plafond voûté de la cave

Lisons les raisons données pour cette modification du plan initial : « Le plancher du rez-de-chaussée du nouveau presbytère devant être posé prochainement, il serait bon d’introduire quelques modifications préalables. Les caves ne sont séparées d’après le plan que par un simple plancher. Par cela même, la température des appartements en sera considérablement abaissée. Pour parer à cet inconvénient« , le maire propose de construire au-dessus des caves une voûte ou plafond en briques, appelé « voûte à cannes« . Il ajoute que cette construction serait plus simple et moins dispendieuse à faire actuellement que lorsque le plancher sera posé. Il s’agit de la cave en-dessous de la salle à gauche de l’entrée. Le coût est de 1 Franc du m2 pour une surface de 25m2, somme qui sera prélevée sur les fonds pour dépenses imprévues. Les responsables de la commune agissent en bon connaisseur du climat d’altitude de Jeansagnière et en bon gestionnaire.

Toute l’année 1894 semble être consacrée à l’équipement intérieur du bâtiment qui est réalisé avec un soin remarquable. Exemple les ouvertures : Les fenêtres au premier étage sont doubles (deux fenêtres par ouverture avec un espace entre elles). Au rez-de-chaussée, des volets, qui sont encore aujourd’hui en place, ont été fixés à l’intérieur. Un maximum de confort et de chaleur est ainsi assuré. A cette époque, cet équipement s’observe uniquement dans des bâtiments de grande qualité. C’est un fait unique à Jeansagnière.

« La réception définitive des travaux a eu lieu le 13 mars 1895 suivant procès-verbal, dressé le même jour par M. Dulac, l’architecte. » A ce jour, nous n’avons pas de photo ancienne du presbytère. Mais le plan de la façade correspond jusqu’au moindre détail  à ce que nous observons aujourd’hui, 115 ans après.

Dans les décomptes définitifs des travaux dont nous trouvons les tableaux en 1895 et 1896, établis sous la responsabilité des nouveaux maires, Jean Baptiste Forchez et ensuite Joseph Murat, il est question des suppléments de travaux qui illustrent encore une fois la volonté de bâtir au mieux.

« 1° Les murs en fondation ont dû être renforcés et le sol du rez-de-chaussée a dû être surélevé pour préserver le bâtiment de toute humidité.

2° Un aqueduc a été établi et le mur nord a été revêtu d’un enduit en ciment dans sa partie inférieure.

3° La cave étant insuffisamment recouverte par le plancher, une voûte à canne a été exécutée.

4° Deux ouvertures en sus ont été faites pour compléter l’éclairage. » (Il s’agit des deux fenêtres qui éclairent aujourd’hui le grenier au pignon nord et sud.)

Le hangar, prévu par le plan, n’est pas encore exécuté fin 1896. Son crédit est utilisé pour aider à solder les frais qui s’élèvent à 12 306,30 Francs, moins la valeur des pierres 2 000 Francs « livrées par la commune« , soit un total de 10 306,30 Francs. Une somme très importante pour la commune, mais qui s’est soldée par une construction solide et harmonieuse.

Cette qualité du départ a permis au presbytère de Jeansagnière de traverser un siècle dans son état de 1895 sans autres modifications et travaux. Seules en 1957, la charpente et la couverture ont été refaites. Mais les belles tuiles de rive au pignon nord et sud sont d’origine. L’histoire ecclésiastique du presbytère s’achève à la mort du dernier curé de Jeansagnière, Joseph Mazancieux, le 6 août 1962.

Le curé avec les enfants du catéchisme 1961
Le curé avec les enfants du catéchisme 1961

Malgré des conditions de vie très dures, les habitants de Jeansagnière sont arrivés au 19° siècle à bâtir un ensemble cohérent qui s’insère parfaitement dans ce beau paysage de montagne : L’église (1872) et sa place (croix 1864), l’école communale avec mairie (1876), la cure (1895) et le cimetière (portail 1875). Depuis une vingtaine d’années, peu à peu, ce noyau historique de notre village est mis en valeur. La rénovation du presbytère contribuera à préserver ce patrimoine en lui donnant une nouvelle vie et fera valoir sa beauté et son charme.